Série

La Casa de Papel – Tokio ciao, ciao, ciao!

Si cette chanson ne vous dit rien…

Soit vous ne portez pas d’intérêt particulier aux hymnes socialistes italiens du siècle dernier, soit vous êtes passés complètement à côté du phénomène espagnol LA CASA DE PAPEL. On ne vous demandera pas dans quelle cave vous vous cachez depuis quelques mois…mais on le pense très fort.
Si vous êtes nostalgique de l’époque où Prison Break était une série de qualité. Si les Ocean’s figurent parmi vos films préférés. Si vous avez bingewatché Narcos. Si les « hijo de puta », « cabron » et autres « joder » manquent à votre vie. ALLEZ REGARDER LA CASA DE PAPEL. Pour vous mettre l’eau à la bouche, le trailers est là: La Casa de Papel Trailer Saison 1 😉

SPOILERS

La saison 2 de La casa de papel a été une des séries les plus attendues ce printemps sur Netflix. TheMoviewer s’est empressé de la bingewatcher, comme ce fut le cas pour la saison 1.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le spectateur, à l’instar des otages, a eu un choix à faire. Regarder La Casa de Papel comme l’histoire du casse du siècle ou comme une métaphore violente et poétique. L’argent ou la liberté.

Le casse du siècle

La Casa de Papel a deux failles. La première faille est prévisible. El Professor est dépeint comme un génie infaillible, au plan millimetré, réfléchi dans ses moindres détails depuis des années. Il n’est donc pas étonnant que les plots twists ne fassent plus effet au bout de quelques épisodes. La série tombe dans un engrenage, où petit à petit, l’ennui remplace l’excitation des débuts. On passe des « Oh putain, c’est foutu, ils peuvent plus rien faire là » aux « Bon bah, il a prévu quoi El Professor cette fois? ». On pourrait presque se sentir trahis. Chaque événement est mis en scène comme un imprévu qui pourrait tout faire tomber à l’eau, puis on apprend quelques scènes plus tard qu’on nous a mentis. El Professor avait bien l’air pris au piège, alors qu’en réalité, il avait déjà tout prévu. Si ce gimmick marche de temps en temps, c’est justement à condition qu’il existe un enjeu tangible qui nous fasse douter. Une fois ce doute écarté, une fois que l’on ne ressent plus l’enjeu, il n’y a plus que lassitude et ennui. Toutefois, la saison 2 se rattrape vite. S’il n’est plus question de savoir si les braqueurs vont réussir à surmonter les obstacles en travers de leur chemin, on continue au fond de s’interroger sur la manière avec laquelle ils vont s’en sortir. Et c’est cette curiosité qui pousse à continuer de regarder, et heureusement! Si certains retournements de situation laissent parfois indifférents, ils sont le plus souvent surprenants.

La seconde faille est inéluctable. Le clé du casse se résume en un mot: le temps. Le temps, c’est de l’argent. Bien évidemment. Mais plus de temps, c’est aussi plus d’ellipses invraisemblables, plus de plot holes inexplicables et plus d’occasions de se demander « Wtf?! ». Le monde de Casa de Papel est un monde où les gens tombent fous amoureux en l’espace de trois jours. Trois jours suffisent pour foutre toute sa vie en l’air au nom de l’amour. Et si toute la réussite du plan n’en dépendait pas, on s’en remettrait. Pourtant, c’est le cas, rendant tout le scénario plus invraisemblable qu’il ne l’est déjà.

Et si on acceptait l’invraisemblable? Et si on cessait de chercher le réalisme dans un scénario impossible? S’il était possible de fabriquer et voler de l’argent depuis une fabrique de monnaie, Alex Pina n’en aurait probablement pas fait une série. Ce qui nous mène à…

L’Allégorie

Si La Casa de Papel est un tel phénomène, surtout en Espagne, ce n’est pas pour son réalisme et son scénario impeccable. Se pourrait-il alors que La Casa de Papel soit un phénomène pour son fond, ses idées?

L’Espagne est un des pays à avoir le plus souffert de la crise financière de 2008, et ce sur tous les plans. L’économie espagnole en a pris un coup, la scène politique espagnole en fut chamboulée et tout cela s’est ressenti au plan social. On se souvient tous comment l’émergence du parti Podemos, a marqué un profond désamour entre les Espagnols et le pouvoir étatique. On peut dès lors extrapoler à foison. Neuf hors-la-loi marginalisés, nés du mauvais côté de la barrière, s’en prennent à La Fabrique Nationale de Monnaie et de Timbres. Symbole, s’il en fallait un, de la dictature de l’argent et du capitalisme corrompu. Démontrer qu’au bout du compte, lorsqu’on s’attaque à l’argent, la vie humaine n’a plus de valeur en comparaison.

On le comprend dès qu’El Profesor commence à raconter le meurtre de son père. N’est-ce pas là un abus de la violence légitime que de tuer pour un vol? N’aurait-il pas été plus humain que de laisser s’enfuir un voleur d’argent que de le tuer? D’autant plus qu’il ne volait pas par avidité, mais bien pour sauver son enfant malade, que personne ne voulait aider. On le comprend quand les autorités refusent d’accorder une quelconque aide médicale, plus d’une fois, menant à la mort de deux personnes. Qui sont alors réellement les méchants? De ce point de vue, choisir le visage de Dali pour masque n’était pas innocent. Au-delà de son génie artistique, Salvador était connu pour perpétuellement refuser les codes de morale, remettant en question -par sa simple personne- les idéaux normaux de ce qui bien et de ce qui est mal. Symbole espagnol et universel de la transgression et de la marginalité. Les combinaisons sont rouges, couleur emblématique des mouvements socialistes. El Profesor est un idéaliste, qui souhaite voler sans voler personne, sans blesser personne, sans tuer personne. Pour qui au fond, le message importe plus que l’argent. On nous le signifie par indices interposés, plus ou moins subtils.

Malgré ses défauts, au demeurant pardonnables, je n’ai qu’un seul reproche. Les motivations des cambrioleurs ne requièrent pas réellement d’approfondissement. Elles sont claires et limpides: plus rien à perdre, un montant indécent d’argent intraçable à gagner, retrouver son fils ou offrir la liberté à son fils, l’amour (aussi superficiel puisse-t-il paraitre)… Cependant, les motivations d’El Professor sont un élément plus que nécessaire à la cohérence de l’histoire et à son intérêt. Elles auraient mérité un réel développement. On n’en effleure à peine la surface. Et c’est bien dommage.
Bien qu’il y aurait eu assez de matière pour une troisième saison, il n’y en aura pas. On ne saura jamais ce que sont devenus nos cambrioleurs préférés. La fin ouverte nous laisse sur notre faim, en nous offrant, tout de même, une dernière occasion de chanter ensemble: Bella ciao, bella ciao, bella ciao, ciao, ciao!
Mais avant de nous quitter…

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